La vallée du Nil a, de tout temps, été célèbre pour sa fécondité due à son inondation régulière. Celle-ci, en la personne du dieu Osiris, féconde la terre noire qui est Isis ; sur cette terre pousse alors une intense végétation : c’est « la grande verdure » ; en égyptien cela se dit “ouadj our”, et tous les grands dieux de l’Égypte sont responsables de cette prospérité ; ils en sont propriétaires, surtout Horus, le fils de la crue, puisqu’il est le fils d’Osiris et d’Isis. Le terme ouadj our concerne tous les aspects du sol et on y marche, on y navigue, on y cultive, on s’y bat, on s’y perd.
La partie principale de ouadj our, le delta, la plus grande surface du pays, échappait pour une part à l’autorité des pharaons. Dans les inextricables fourrés de roseaux et de papyrus, dans le morcellement infini du sol par les voies d’eau grandes et petites, des populations « rebelles » menaient une existence autonome, indépendante des rois qui tout au long de l’histoire de l’Égypte seront sur la défensive vis-à-vis des Haou-nebout et autres Rekhyt et des îles qui sont au milieu de ouadj our.
Pendant longtemps les Égyptiens ont vécu en vase clos à l’intérieur des limites naturelles du pays, c’est-à-dire la surface que l’inondation du Nil pouvait atteindre. Quand les scribes de Ptolémée III ont dû parler de l’île de Chypre, leur embarras fut grand : ils ne connaissaient “en hiéroglyphes” d’autre île que celles qu’avaient formées les alluvions du Nil.
Comme ouadj our est présent à toutes les époques et dans toutes les parties de la vallée du Nil, on ne s’étonnera pas des multiples aspects qu’il a fallu aborder lors de l’examen des quelque 360 attestations du terme. C’est qu’il s’agit du sol de l’Égypte et de l’inondation du Nil, qui régulièrement le fait verdir. C’est l’inondation qui entretient ce que les Égyptiens appelaient d’un terme descriptif : « la grande verdure », ouadj our.